Mode de vie

Découvrir le Louvre Abu Dhabi

Un coup d’œil à l’art et à l’architecture de l’un des musées les plus novateurs du monde.

Comment définir et construire un musée international à l’ère moderne? Manuel Rabaté, fonctionnaire aguerri devenu directeur du Louvre Abu Dhabi, répond pour nous à cette question simple, mais pourtant complexe.

« Dans le monde entier, on voit des musées qui repensent l’approche universelle, dit-il. La voix du Louvre se fait entendre au-delà du Louvre lui-même. Nous essayons de montrer nos points communs et nous tentons de ne pas revenir à la géographie et à la distance. »

C’est une tâche ambitieuse, mais avec plus de 55 000 musées sur la planète, le Louvre Abu Dhabi s’est déjà positionné comme une entité distincte, au ton différent de son homologue parisien. « Ce n’est pas une façon occidentale de présenter l’histoire du monde, dit-il. Toutes les civilisations et toutes les régions du monde sont représentées équitablement. »

Lorsque les visiteurs arpentent les planchers vernis et explorent les diverses ailes, il leur est difficile de cerner un thème central : sculptures et toiles européennes côtoient des tranches d’histoires de la civilisation allant des premiers villages d’Afrique de l’Est aux routes commerciales d’Asie, en passant par des expositions aux multiples facettes à la portée tout à fait mondiale reliant l’Orient à l’Occident. « Nous avons embrassé la dynamique de réinvention du musée universel et nous l’avons tout simplement poussée un peu plus loin. »

Inside the Louvre Abu Dhabi
Interior view of the Louvre Abu Dhabi. Photography by Boegly + Grazia.

En ce sens, il représente ce qu’un musée du 21e siècle devrait être, délaissant l’archétype didactique axé sur une seule époque, tout en conservant de vastes collections et une série impressionnante d’expositions. Le musée travaille avec 17 institutions françaises, dont 13 lui prêtent des artefacts.

Soutien en haut lieu

À sa grande ouverture, plusieurs dignitaires, dont le président français Emmanuel Macron et des membres de la famille royale, notamment le cheikh Mohamed bin Zayed Al Nahyan, prince héritier d’Abu Dhabi, étaient présents.

Peu après son inauguration en 2017, le cheikh Mohammed bin Rashid Al Maktoum, vice-président et premier ministre des Émirats arabes unis, publiait sur Twitter : « ce monument culturel et architectural clé est un honneur pour tous les Arabes, et réunit l’Orient et l’Occident en présentant Abu Dhabi comme une nouvelle plaque tournante culturelle mondiale. » Avec plus de deux millions de visiteurs depuis son ouverture, le Louvre Abu Dhabi a montré que son public en veut toujours plus.

Tandis que le nom du « Louvre » était un investissement délibéré de la part d’Abu Dhabi, l’immeuble et les œuvres d’art transcendent son appartenance géographique. À cet égard, il correspond pleinement à la vision de M. Rabaté d’une histoire de l’art décentralisée. Néanmoins, comme il porte le nom du Louvre, le musée se devait non seulement de dépasser les attentes, mais également de trouver écho auprès d’un public exigeant déjà familier de structures magnifiques comme la grande mosquée Sheikh Zayed couverte de marbre et le Manarat Al Saadiyat.

Icône architecturale

Conçue par Jean Nouvel, gagnant du prix Pritzker, s’inspirant du concept d’une médina, la structure fascine par son dôme métallique argenté rappelant les moucharabiehs et formant 7 850 étoiles au plafond.

« Je voulais un symbole fort, un dialogue immédiat, une dimension spirituelle puissante », a dit Jean Nouvel de l’immeuble. Avec la « pluie de lumière » qui filtre à travers le dôme et danse sur le plancher de l’entrée des visiteurs, M. Nouvel voulait unir les civilisations par le design.

Tandis que le palais du Louvre à Paris avait été construit par les rois de France comme résidence royale, le musée d’Abu Dhabi est un témoin conscient de son emplacement et de son appartenance au monde contemporain. Tant l’architecture que ses expositions se penchent sur les croyances, cultures, œuvres et esthétiques différentes qui composent les Émirats arabes unis, le Moyen-Orient et le monde dans son ensemble. Des pages anciennes indigo du Coran bleu de l’an 900 de l’ère chrétienne à la calligraphie coufique en or jusqu’à un couvercle de sarcophage phénicien de l’Égypte de l’an 450 avant notre ère, les œuvres et artefacts du Moyen-Orient et au-delà savent intéresser autant le public régional que les visiteurs du monde entier.

Exterior Art of Louvre Abu Dhabi
Jenny Holzer’s artwork containing script in cuneiform, Arabic and French. Photography by Marc Domage (For Louvre Abu Dhabi)

La faveur des foules

Le succès du musée de M. Rabaté peut être attribuable en partie aux expositions novatrices qu’il a choisies. Une récente exposition s’est démarquée : Dix mille ans de luxe. Les 350 œuvres de mode, de joaillerie, d’art visuel, de mobilier et de design – dont certains objets de grandes maisons comme Chanel et Christian Dior – étaient exposées dans 12 salles. En collaboration avec le Musée des Arts Décoratifs de Paris, l’exposition a mis en lumière le génie de M. Rabaté en matière de partenariats. L’opulence, véritable synonyme de Moyen-Orient, s’est avérée un choix thématique inspiré. Chaque œuvre soulevait la question « qu’est-ce que le luxe? »

« Notre exposition d’hiver explorait le concept fascinant du luxe à travers une longue-vue, contextualisant les objets au fil du temps et des cultures pour illustrer les notions changeantes de beauté, de richesse et de valeur », indique M. Rabaté. Les objets retraçaient l’histoire de l’opulence en passant par les perles (saluant la propre tradition de la pêche et des pêcheurs de perles d’Abu Dhabi), la soie, le fil d’or et plus encore.

La plus récente exposition du musée constitue un autre tour de force. Furûsiyya : l’art de la chevalerie entre Orient et Occident offre une visite virtuelle de 360 degrés en ligne qui permettait aux spectateurs d’admirer d’infimes détails d’œuvres stupéfiantes. L’exposition explore les racines de la chevalerie et l’histoire du combat et des valeurs chevaleresques qui ont permis l’avènement de certaines cultures de l’Orient islamique et de l’Occident chrétien par 130 œuvres et artefacts rares du 10e au 16e siècle.

Coorganisée par Élisabeth Taburet-Delahaye, ex-directrice du musée de Cluny à Paris (connu pour ses collections médiévales), l’exposition divisée en sections « Chevaucher », « Combattre » et « Vivre en chevalier » est un excellent exemple de la façon dont le musée crée un dialogue délibéré entre deux cultures distinctes.

An artifact from Furusiyya: The Art of Chivalry between East and West and Leonardo da Vinci’s La Belle Ferroniere.
A helmet from the Furusiyya: The Art of Chivalry between East and West exhibit (Photography by Thierry Ollivier) and Leonardo da Vinci’s La Belle Ferroniere (Photography by Marc Domage).

Rencontre entre réel et virtuel

Avec son engagement enthousiaste pour l’approche encyclopédique de la connaissance et l’idée que l’apprentissage ne s’arrête pas à la sortie, mais continue en ligne, le musée a pris grand soin d’améliorer son volet numérique.

« Nous devons être axés sur les nouvelles technologies et, en même temps, nous mettons en valeur de très anciens artefacts dont je suis fier », dit M. Rabaté. « Nous ne sommes pas un musée de reproductions; nous sommes un musée d’objets réels et c’est ce que nous proposons – l’authenticité. Les techniques numériques peuvent servir à susciter l’intérêt, à enrichir, mais il s’agit d’amener les visiteurs à voir l’objet réel. »

Un exemple de ces techniques comprend les listes de lecture préparées par Anghami – la plus importante plate-forme musicale du Moyen-Orient, inspirée par des chefs-d’œuvre du musée. Par un partenariat avec Fady Ferraye, responsable musical en chef d’Anghami, les auditeurs peuvent entendre l’histoire de la musique, et de sa transformation au fil des années, de la musique traditionnelle à la musique électronique. Dans le volet muséal en ligne « Explorez l’art depuis la maison : histoires de liens culturels », les visiteurs peuvent admirer un large éventail d’artefacts, d’un vase polychrome maya couvert de scènes de cour aux nuances délicates à une collection diversifiée de têtes de Bouddha.

Dernière génération

Peu de musées de calibre mondial ont une section réservée aux enfants, mais l’éducation est primordiale au Louvre Abu Dhabi : En 2019, de 15 à 20 groupes scolaires ont visité le musée quotidiennement et un nombre croissant d’étudiants et d’élèves utilisent le site Web comme outil de recherche et comme planche de tendances numérique.

Le musée des enfants a tenu une exposition inaugurale, Le Voyage des formes et des couleurs, qui proposait des œuvres d’art originales accompagnées de présentations interactives. Tandis que les autres musées pour enfants dans le monde présentent des répliques des œuvres, le Louvre Abu Dhabi présente les pièces originales au niveau des yeux des enfants, dont un vase de pierre datant de 1 000 à 500 ans avant l’ère chrétienne. Les enfants peuvent trouver sur l’application du musée des ressources qui éveilleront leur curiosité, ainsi que plusieurs vidéos « Faire et Jouer » en ligne (notamment sur la fabrication d’un masque, d’un hippopotame en papier et d’un collage).

À propos des initiatives en place pour les jeunes amateurs d’art, M. Rabaté dit que « le musée des enfants est un acte de confiance en la collectivité et également dans les familles et les enfants pour qu’ils puissent comprendre la réalité de chaque objet ».

Projets d’avenir

Alors que certains musées réinventent leur approche régionale en mettant en lumière des artistes individuels de certaines cultures, le Louvre Abu Dhabi va à contre-courant en tentant de souligner les liens plutôt que les différences. « Quand on arrive à la modernité, que veut-on montrer? L’essence pure ou l’influence? » demande M. Rabaté.

Auguste Rodin’s The Walking Man, On a Column
August Robin’s masterpiece in the Louvre Abu Dhabi. Photography by Boegly + Grazia.

Avec une moyenne d’âge de 38 ans chez les visiteurs, il voit le nouveau Louvre comme une occasion de parler directement à ce segment démographique, tout en abordant les intérêts de toutes les nationalités et de tous les âges. « C’est un espace que nous remettons en question sans cesse », dit-il fièrement. « Peut-être la réponse se trouve-t-elle dans les changements constants et rapides de notre monde, de pouvoir jouer et s’adapter avec créativité. »

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